8 juillet 2007

***Chapitre Trois***

Ardea, Italie, 13 Juillet 1934

L'homme mystérieux perché au sommet de la grande tour de l'horloge lui tend la main pour l'aider à grimper la balustrade. À ce moment elle sait que sa petite vie va changer. C'est à cet instant aussi qu'un effleurement sur son épaule l'a fait sursauter; un énorme papillon d'une incroyable beauté se pose sur elle, il déploie ses ailes et prend son envol gracieux, éclaboussant le ciel marin de sa teinte orangée. Elle se retourne et l'homme lui sourit. C'est un sourire bienveillant et franc. Sa crainte se dissipe. Rassurée, elle se présente maladroitement. L'homme éclate de rire.
- "Je sais qui vous êtes", lui dit il.
- Je vous crois, mais à qui ai-je l'honneur?
- Je suis un vieil ami de votre père, mon nom est Vincento.
Le souvenir de Marco, son père lui revient en mémoire, douloureux et amer. C'était un homme bon et généreux. Pourtant, elle ne l'a pas beaucoup connu car il était toujours parti à l'exploration de nouvelles contrées. C'était un personnage assez excentrique, avec une voix forte et doté de ce regard que seuls les grands voyageurs acquièrent avec le temps. Un regard cherchant toujours l'horizon. Son père n'était plus, il était mort d'un bête accident de voiture lors de son périple en Amérique Latine.
- Marco m'a remis ceci , c'est une lettre pour vous. Vous la lirez plus tard. Ah oui, et voilà une carte, vous en aurez certainement besoin. Voici vos billets, vous devez partir ce soir. Je vous conduirez au port.
-"Je ne comprend pas..."dit Jeanne
- Vous partez ma chère dame, votre père avait organisé tout cela pour vous avant son décès au cas ou il lui arriverait quelque chose. Quelqu'un vous attendra là bas...enfin vous lirez la lettre.
-"C'est une blague?", lui demande t-elle. C'est trop vite, elle est déroutée.
-"Non, c'est tout à fait sérieux...faites-le pour lui. Il comptait sur vous"
- Et quelle est cette fameuse destination, vous voulez me dire?
L'homme fronçe les sourcils mais débite d'un seul trait:
- À Huancavelica, au Pérou.
- Quoi? C'était sans doute une mauvaise plaisanterie.
Vincento lui prend délicatement le bras et ils se dirigent vers l'escalier en colimaçon. Elle marche mais elle ne s'en rend pas compte. Elle a l'impression d'être au beau milieu d'un rêve qui ne s'achève pourtant pas. Elle cligne des yeux, sortant de ses pensées seulement lorqu'ils s'assoient dans la carriole.
- Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer, votre père vous aimait beaucoup, vous ne serez pas seule. Et je vous rejoindrai d'ici deux mois.
Le port apparait maintenant devant eux. Jeanne lui trouve un air menaçant. Il fait sombre et l'humidité est palpable. Elle débarque, chancelante, et caresse la crinière du cheval pendant que Vincento sort une malle rouge du coffre en cèdre.
- Voici votre valise, il y a tout ce qu'il vous faut.
Ils se dirigent, silencieux, au quai d'embarquement.
Un stewart vient à leur rencontre, le visage serein.
-"Madame..." dit-il, en un geste de la main pour l'inviter à se diriger sur cet énorme paquebot.
-"Prenez bien soin d'elle", lui dit Vincento.
Vincento porte une autre boîte ronde qu'il s'apprête a déballée. À l'intérieur, en dessous de papiers de soie blancs, se trouve un magnifique chapeau de couleur émeraude serti de plumes et de perles. Il le déposé fièrement sur la tête de sa protégée. Il lui va à ravir.
-"Noubliez pas, je vous rejoinds le 15 Septembre au pied de la cathédrale sur la Place d'Armes à 17h30, vous avez bien compris Jeanne?" dit-il, en la serrant dans ses bras.
- Je suis avec vous....lisez votre lettre, tout y est indiqué. Et faites confiance en la vie.
Elle lui sourit malgré tout, anéantie, mais se tient droite pour se donner une consistance, pour ne pas s'éffondrer. Elle sent qu'elle perd tous ses repères, que son univers lui échappe. Tout lui semble irréel. Les sentiments qu'elle éprouve sont si contradictoires. Mélange de peur, de confusion mais elle ne peut renier qu'indéniablement son exaltation est à son comble.Les moteurs se mettent en branle. Le bateau débute déjà son périple. La silhouette de Vincento disparaît tranquillement mais il continue de lui envoyer la main jusqu'à ce que son image se dissolve complètement avec la noirceur qui tombe.

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