Esteban empoigne Jeanne par la manche de sa veste en la poussant à l'intérieur. La porte se referme derrière eux.
- Chut! Reste ici avec moi, dit-t-il.
- Que se passe-t-il?
Il penche la tête, cherchant son souffle. Il a fait le plus vite possible, parcourant dans une course éffrénée la distance entre lui et elle.
- Nous devons rester ici un peu. On parle de ta venue au village, cela crée beaucoup d'émoi et certains n'en sont pas heureux.
- Je dois me cacher maintenant! demande-t-elle offusquée en se dégageant brusquement.
Il pousse un grand soupir avant de s'assoir sur le plancher de la petite salle de classe.
- Ce n'est pas cela Jeanne. C'est toute l'histoire entourant ton père.
- Parlons-en de mon père. Je veux savoir. Je ne suis pas venue ici pour rien. Elle fouille dans son sac, ses yeux s'éclairent lorsqu'elle trouve enfin ce qu'elle cherche. As-tu vu cette photo? dit-elle en la lui tendant.
Esteban sourit à la vue de cette image. Cette journée lui revient en mémoire.
- Il était était un grand artiste Jeanne. Tu vois sa chemise? C'est de la peinture. Il peignait de magnifiques toiles. Les gens s'arrachait bien souvent ses oeuvres. Je n'ai jamais vu de si belles couleurs.
Donc, ce qu'elle croyait être de la terre était en réalité de la peinture. Jamais, il ne lui avait parlé de son engouement pour l'art.
- Qu' y a-t-il de mal à cela?
Esteban la fixe mais ne sait que répondre.
- Un homme ne l'aimait pas, peut-être par jalousie. Je ne sais pas tout. J'étais jeune et on ne parle pas de ces choses-là par ici. Tout à l'heure, lorsque j'étais à l'auberge, un homme était attablé avec d'autres gens et je l'ai entendu parler de toi. Il a dit qu'il ferait tout pour que tu partes. Je ne lui ai jamais parlé. Je ne connais pas ses motivations mais il était dans une colère terrible.
Et si on lui voulait réellement du mal? Elle cale sa tête au creux de l'épaule de son ami, sentant furtivement la peur monter en elle.
******
Place d'Armes, 15 Septembre 1934, 17h20
- Mme, vous désirez de délicieux ananas? Ou peut-être de la canne à sucre?
Jeanne sourit poliment au marchand de fruits. Un petit garçon lui tend la main. Elle lui glisse un sole, toujours aussi touchée par la misère qu'elle voit. Mais son impatience gagne le dessus. C'est la journée qu'elle attendait depuis longtemps. Les jours se sont succédés, teintés d'un effroyable sentiment que quelque chose de terrible allait arriver. Elle s'est cachée loin des regards et sa venue sur la place publique aujourd'hui la rend nerveuse. Son regard guette le moindre faux pas. Elle rejette son châle sur les épaules, cachant ainsi la moitié de son visage. La cathédrale projette son ombre le long du sentier de terre battue. Le soleil plombe tandis que les gens rentrent tranquillement chez eux. Son coeur bondit dans sa poitrine lorsqu'elle aperçoit l'homme qui vient à sa rencontre, le baluchon à l'épaule. Il ne l'a pas oubliée. Elle ressent à cet instant un grand soulagement . Elle se relève fébrillement et court à sa rencontre.
- Vincento!! crit-elle heureuse de le voir enfin.
Ils se serrent dans leurs bras. L'homme a l'air épuisé.
- Ce voyage a été si long. C'est bien de te retrouver, dit-il, en riant de son rire qui lui semble si rassurant.
- Vincento! Je suis complètement confuse...tu n'avais pas le droit de me faire cela. Les larmes lui montent aux yeux. Un homme me cherche, je ne sais pas pourquoi. Il faut que tu m'aides.
- C'était ridicule de te laisser ici toute seule. Je suis là maintenant. Il secoue la tête et la regarde attentivement. Il est frappé par ce que ses yeux expriment. Il peut y lire l'angoisse qui la tenaille. Calme-toi Jeanne, je ne te laisserai plus, c'est juré.
Ils déambulent doucement dans de petites rues que Jeanne n'a pu encore découvrir. Son voyage prend soudainement un autre aspect. Elle apprécie la beauté de ce qui l'entoure, le vent léger, le rire des enfants au loin, la lumière elle-même est différente.
- Viens, j'ai quelque chose à te montrer lui dit le vieil homme.
Il attrappe au passage un repas concocté par une femme, contitué de pommes de terre et de viande qu'elle fait cuire tranquillement sur un brassier. Elle leur sourit et rajoute de petites branches pour alimenter son feu. Ils franchissent une clairrière et en contrebas, une vieille demeure de pierres, surplombée d'un grand arbre leur apparait.
- Ton père venait se réfugier ici autrefois lorsqu'il avait besoin de calme.
Un muret de pierre entoure la maison qui semble à l'abandon. Les montagnes au loin sont magnifiques et leurs sommets sont enneigés. Vincento pousse délicatement la porte et elle s'ouvre sans le moindre effort. Les meubles sont encore là, et dans l'atmosphère flotte la poussière qui survole la salle de séjour. Vincento la devance et grimpe une à une les marches étroites qui mènent à l'étage supérieur. Ils passent le corridor et arrivent à une autre porte.
- Ferme les yeux Jeanne, dit-il.
Elle s'exécute. Une douce lumière orangée filtre à travers ses paupières closes. Elle sent les rayons du soleil sur son visage.
- Voilà, tu peux les ouvrir maintenant.
Ce qu'elle voit la cloue sur place. Elle n'aurait pu voir pareille beauté nul part ailleurs.
Vincento lui tend un banc et le tapote de sa main.
- Viens Jeanne, installe-toi, je vais te raconter ton histoire.
Et soudain, c'est l'éblouissement...
3 commentaires:
J'espère que tu va publier ça ce livre là!
Est-ce qu'il y a un titre?
Alex
Publié ce livre?... C'est un grand honneur de l'appeller ainsi! Je dirais plutôt un petit récit...Peut-être que je ferai un petit lancement personnel entre amis, pourquoi pas! Un titre? Et bien non, pas encore! Avez-vous des suggestions?
ah wow! andzita! c'est incroyable!! tu nous laisses dans le suspense achaque fois c'est incroyable..
suggestion de titres:
Ma vie.. au bout du monde
Histoire cachée
Secret de polichinelle (j'ai pas le gout de chercher pour savoir comment s'écrit ce mot la)
Papa.. qui es-tu?
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